Il décida, à l’adolescence, qu’il fallait mettre un terme à son statut de victime, il devint bourreau. Il dénonça ses pairs, grossit les anecdotes à leur propos, donna du poids aux pires horreurs... Il fit de belles rencontres, rencontra des commères aux dents aiguisées (comme la Grande Carlotta), aiguisa ses dents sur les plus faibles.

Arrivé en prison, ainsi voyait-il sa première année d’études, il rencontra Dame Luluce qui n’était pas encore arrivée au pouvoir mais qui le soutint cette année-là. Alors qu’il avait passé sa vie lycéenne à jacasser, à critiquer, à déformer, à cancaner, à languedeputer, il se retrouva au milieu d’esprits trop pieux et puritains : il ne pouvait se livrer à son vice. Heureusement que la deuxième année la Lumière vint à lui , belle comme le premier néon glacial d’une chambre d’hôpital que voit le nouveau-né ; Luluce La Grande venait de l’accoucher, de l’extraire de ce monde putride grâce son grand esprit éclairé. Tous deux ainsi que l’infâme Gudule passèrent tous leurs mercredis après-midi à l’étude de Platon et Sénèque, se plongèrent dans la luxure avec Catulle, s’esclaffèrent avec Aristophane et entre deux textes ils refaisaient le portrait de certains futurs sujets ; Gudule arbitrait les débats. Que de rires ! Que de joies ! Florianus devint DELATOR.

Le temps passa... Il ne pouvait quitter illico le monde des cancans : il épousa l’éducation nationale et s’envola pour la Réunion, le pays du Ladilafé (cancan en créole) ; son exil lui valut le nomen, d’habitude réservé aux hommes libres, d’Insulanus (l’insulaire) dont on notera la rime riche avec son praenomen (Florianus).

Une question le taraude aujoud’hui : comment peut-il dénoncer de si loin ? Depuis, il brigue un nouveau ministère : celui de La Rumeur. Le Grand Chef, alias sa chère Luluce, ne lui a encore rien accordé...