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Des trains comme les autres

Par Coin-Coin , le mardi 20 juin 2006.

7h19. Les cahots du métro cessent, la bulle soporifère éclate et Saint-Lazare ouvre ses portes palières sur l’efficacité d’une nouvelle journée. A peine le temps de savourer l’autosatisfaction mesquine d’être le premier de la rame à parcourir du pas décidé des décideurs le couloir encore vierge, qu’il faut gravir les marches, fendre la foule, vérifier que l’horloge de la gare pointe midi (ou minuit ?) comme à son habitude depuis un an et demi, et enfin s’engouffrer dans le 7h24 pour Colombes.

A ce moment précis l’arrachage est brutal. Non pas le lent déhalage de la voiture qui se met en branle : à peine suis-je en mesure de le sentir. Car je suis déjà loin.

C’est que le train Saint-Lazare-Argenteuil, précieuse vertu d’une imprégnation pourtant banale, possède exactement la même odeur que certains wagons du Transsibérien.

C’est l’écœurante odeur des trains d’il y a vingt ans, où les sièges en moquette noire piquée de jaune ont remplacé les banquettes de skaï. Ce n’est pas seulement leur odeur de poussière, ce n’est pas seulement l’odeur des mélaminés ou d’un vieil alcool épandu sur le sol. C’est l’odeur incrustée des culs poissés, des culs qui se frottent et s’entassent, des culs des cols blancs et bleus du petit matin. C’est l’odeur humaine du musc refroidi et de la sueur de la veille, relents d’un kebab oublié, relents de la gitane de très tôt, de la bière d’encore plus tôt, et de la crasse de toujours.

Dans la version slave, les banquettes en skai sont restées. Mais là-bas, l’écœurement provient d’une autre éternité, que cachent mal les petits napperons de dentelle. Là-bas ce sont les remugles de trois compagnons de compartiment ivres de vodka, rassasiés de poulet froid. Carcasses des dormeurs et carcassse du poulet balaient de leurs effluves la poussière et la moiteur des nuits transsibériennes.

7h25. La nausée passe et file dans la nuit comment fuient les sapins de la taïga. Demain nous atteindrons le lac Baikal.

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