Deux groupes sortis de Diabologum peuvent prétendre au rôle de model : Programme, qu’on dit déjà au bord du split, qui a sorti deux albums très intéressants, très déconstruits, jusqu’au-boutistes et d’une noirceur abyssale qui frise parfois la pose. Et ce groupe : Expérience, dont le premier album : Aujourd’hui, maintenant, n’avait qu’à moitié convaincu, encore qu’il vieillisse plutôt bien. Un groupe de rock, avec des guitares, des textes engagés, et surtout, nouveauté, plutôt optimistes. Pas la grande joie quand même, simplement l’idée que tout n’est pas de la merde, et qu’on peut avoir quinze secondes de bonheur par jour.

Dans ce nouvel album, la mayonnaise prend beaucoup mieux. C’est un disque de groupe, pas un album solo déguisé. Evidemment, au centre, il y a la voix très particulière de Michel Cloup, très Lithium (le label de post-rock français mythique qui s’est effondré cette année), c’est à dire un peu fausse, un peu slam, et il y a son jeu de guitare ultra reconnaissable, plein de distorsion, de larsen, et de classe. Mais il y a aussi une basse ultra présente, une batterie qui multiplie les rythmes de mutant.

Et surtout, Expérience rend enfin honneur à son nom : le piano de Résumé des futurs épisodes précédents, le beat bizarre d’Hémisphère Gauche, la montée de Pauvres petits occidentaux, les moments de bravoure sont nombreux. En fait, Hémisphère gauche est l’album qu’on attendait après #3. Il y a même un tube énorme : Traquer la fièvre, massacrer l’ennui, morceau revendicatif et intelligent, avec un refrain slogan, avec la pensée de derrière chère à Pascal. Car Cloup n’est pas dupe : on ne sauve pas le monde avec une chanson : mais on peut unifier ceux qui ne s’y sentent pas bien, pour les mettre en sécurité. Un disque pour les hommes forts Nietzschéens, ceux que les autres veulent écraser parce qu’ils ne rentrent pas dans le moule.

Evidemment, on peut dire qu’Expérience ne fait que reprendre les formules de Sonic Youth, et que ce n’est pas si original. Evidemment, mais c’est un style maîtrisé à la perfection. Pas une minute inutile, des morceaux qui font mouche. Et énormément de classe. Un disque qui redonne espoir quand on se sent triste, qui dit des hoses intelligentes sur notre monde, tout en restant très modeste.
Une attitude très indépendante : quand Saez dit des conneries plus grosses que lui et s’attirent l’amour des adolescents pré pubères, Expérience avance masqué, frappe dans le dos, et tisse des liens à travers les genres (cf. les chœurs de Hi-Tekk et Nikkfurie de la Caution, un groupe de rap pas bidon). En somme, si vous voulez acheter in disque de rock en français qui vous stimule les méninges, Hémisphère gauche est fait pour vous.