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Entretien avec le groupe Arlt
Est-ce que vous pourriez-nous présenter votre histoire en tant que groupe : en vous voyant sur scène, j’avais l’impression d’un groupe très jeune, et en même temps j’ai lu des avis sur des concerts datant de 2007, vous êtes passé à la radio à New York en 2009... Pourriez-vous nous raconter tout cela ? Arlt : Le duo existe depuis un peu plus de 4 ans. Nous avons joué beaucoup, dans tous types de lieux, en France et à l’étranger (Irlande, Norvège, Belgique, République Tchèque, Portugal, Etats-Unis). Mais 4 ans, on peut estimer que c’est jeune. Et il convient de préserver un état d’enfance où chaque concert serait envisagé comme le premier (c’est un peu illusoire mais il s’agit de se tenir chaque fois au plus près du hasard, de la plus grande fraîcheur possible). Il y a en outre dans Arlt, quelque chose comme une célébration permanente d’une certaine fragilité, un amour de l’accident, des imprévus. Une méfiance vis-à-vis des choses trop bien rôdées. Sur l’album en lui-même : les compositions sont très minimales : est-ce dû à des contraintes au niveau de l’enregistrement (peu de temps de studio), la volonté de pouvoir facilement jouer sur scène, ou est-ce un style qui vous définit ? Arlt : Il ne faut pas confondre épure et minimalisme, attention. Les compositions ne sont pas minimales en soi. Des morceaux comme « Lettre Morte », « Château d’Eau » ou « Que se Passe-t-il ? » sont bourrés d’accords, de changements de perspective, de ruptures de ton. On avait au départ envisagé des cuivres, des orgues, des bidules et puis à quoi bon, finalement surcharger ? On entend donc des parties de guitares, des chœurs qui auraient pu être joués par des cordes par exemple. On a opté pour la réduction, l’allusion. Et en effet, le répertoire est né sur scène, pour la scène et sous cette forme de duo, avec deux voix et une guitare. Il nous est vite apparu comme une évidence qu’il fallait enregistrer, en prises directes, les chansons de la même façon qu’on les joue en public. A l’os et le plus instinctivement possible. Mocke, du groupe Holden a tenu les manettes, improvisé des guitares additionnelles et Pierre-Jean Grappin a, après-coup, rajouté des arrangements discrets de batterie, de ci de là, juste pour timbrer les choses et leur donner par endroit un peu plus de profondeur. Pas de remplissage, mais quand même des détails, des incongruités, des digressions, des baroquismes, des pièges, des petites sophistications. Cela demande une écoute patiente, parce que pas mal de choses sont un peu planquées. Un goût enfantin pour la chasse au trésor, sans doutes. Au niveau des thèmes : est-ce que vous pouvez nous expliquer quelles sont les thématiques derrière « La langue » (l’amour, le corps, la mort, le tout ensemble) ?
Il ne faut rien expliquer, pas pour préserver un soi-disant mystère, mais parce qu’une chanson dit ce qu’elle a à dire et doit tenir toute seule. Ce ne sont pas des chansons à thèmes, qui plus est. Il y est certainement un peu question d’amour mais comment pourrait-il en être autrement ? De la voix des morts aussi, d’un certain sens burlesque de la catastrophe. Elles sont écrites à partir de ce qui en nous parle tout seul, nos lapsus, nos hésitations. Il s’agit ensuite d’en faire des émotions partageables. Vous êtes un jeune groupe, mais vous travaillez avec Mocke, jouez en première partie d’Albin de la Simone : comment se sont fait ces rencontres ? Est-ce qu’il y a une « scène » française à laquelle vous vous sentez appartenir ? Arlt : On a rencontré Mocke dans les bars, au début on ne savait même pas qu’il jouait dans Holden. C’est un type discret.
On parlait de musique et on s’échangeait des bouquins, on buvait des coups. On avait beaucoup de goûts en commun. Il est venu deux trois fois nous écouter en concert et a montré de l’intérêt pour notre histoire. Nous l’avons invité à improviser avec nous sur scène et avons décidé de faire l’album avec lui, voilà. Il n’y a pas de scène française à laquelle nous ayons le sentiment d’appartenir. C’est déjà suffisamment compliqué de se défaire de sa vraie famille. Ce qui ne nous empêche pas d’admirer, d’aimer, de nous sentir proches d’un tas de gens. Français ou pas, francophones ou pas. Au niveau business : Le disque sort le 15 novembre sur un petit label, et la pochette porte la mention « aide SACEM aux autoproduits » : est-ce qu’on pourra quand même trouver le disque au niveau national chez les disquaires ? Est-ce que le disque a une chance d’être relayé par les médias traditionnels (Inrocks, etc.) ? Arlt : Business, mon dieu, s’il vous plait...
Le disque a été autoproduit et pressé à 1000 exemplaires qu’on a d’abord vendu en concert ou par correspondance. C’était une situation excitante, entêtée, joyeuse, un peu pirate. On voyait le truc circuler comme un secret, s’échanger entre les gens. On faisait beaucoup de concerts, tout se passait bien. Puis le label Almost Musique nous a proposé de refaire un tirage et de le faire distribuer. Ce sont des gens chouettes, passionnés, compétents et dont nous aimons bien la démarche et le « catalogue ». . C’est une autre situation excitante qui se profile, voilà. LA LANGUE sera dans les bacs en France, en Belgique, aux Pays-Bas etc...et en ce qui concerne ce que vous appelez les médias traditionnels, ma foi, nous verrons bien, ça n’est pas notre boulot. Comment vous situez-vous par rapport à l’évolution du marché musical, où la présence sur internet et les nouveaux modes d’achats qu’elle induit ont tout changé ? Arlt : Pas notre boulot non plus. Qu’est-ce que c’est que ça, le marché musical ?
Encore une fois, nous écrivons des chansons, nous les jouons devant des gens qui les aiment ou non et qui, s’ils le désirent, peuvent se procurer notre musique. Sur disque, sur le net, comme ils le souhaitent, ça n’est pas si important. A mesure que les modes de fonctionnement, de consommation, ou peu importe comment ça s’appelle changent ou évoluent, la pratique du musicien, elle, semble se concentrer toujours plus sur ses fonctions les plus élémentaires, archaïques, presque. Encore une fois : écrire, composer, jouer, rencontrer, se déplacer. Nous redevenons des troubadours. Est-ce qu’on pourra écouter la langue sur spotify ou deezer ? Est-ce que ce serait une chance ou un poids sur les ventes potentielles ? Arlt : ?? Enfin : Vous tournez surtout dans des petites salles (la loge par exemple, mais aussi bientôt le violon dingue à Nantes) : est-ce que c’est une forme de concerts qui s’adapte mieux à votre musique ? Arlt : Nous ne jouons pas que dans ce type de lie (La Loge, c’est particulièrement petit). On a donné plusieurs concerts aux Trois Baudets, à la Java, à La Maroquinerie... Il arrive aussi très souvent que nous ouvrions pour des artistes plus connus ou que nous participions à des festivals. Aux Etats-Unis, en première partie de The National, nous avons ferraillé devant 1500 personnes.
C’est vrai que l’intimisme d’un petit lieu se prête à priori mieux au caractère du duo. Nous aimons jouer sur d’infimes détails et une certaine proximité avec les auditeurs/spectateurs permet ça très bien. Mais tout est bien, tout est drôle, tout est excitant. Sur une grande scène, il faut réinventer son vocabulaire, investir l’espace différemment, jouer, parfois, avec l’absurdité de la situation (deux couillons égarés trop haut devant trop de monde dans un périmètre trop vaste. Faire de la scène c’est aussi partir à l’aventures, pouvoir se mettre en situation d’inconfort et transformer ça en quelque chose qui ressemble à de la joie). Avez-vous déjà joué dans des médiathèques ? Est-ce quelque chose qui vous intéresserait dans le futur ? Arlt : Pas avec ce duo. Oui bien sûr, pourquoi pas ? Dans une médiathèque, sur un bateau, dans un hélicoptère, où vous voudrez. On remercie énormément Sing Sing et Eloïse Decazes pour ces réponses aussi développées. J’espère que ça vous a donné envie de voir Arlt en concert. Les prochaines dates sont toutes sur leur myspace. Toutes les vidéos sont prises sur youtube. Il y en a encore d’autres qui sont aussi très bien, et c’est encore mieux en vrai.
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Mes oreilles sont cassées
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