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Il pleut

Par Le Grand Chef , le vendredi 2 mai 2008.

Il pleut. Avant il ne pleuvait pas. Avant que je parte puis revienne. Il pleut le soir, mais parfois aussi il pleut le matin. J’ai écrasé mon nez contre la fenêtre du bureau pas plus tard qu’hier en constatant ce radical changement climatique. Donc maintenant j’ai le nez plat. Ce qui induit quelques désagréments, mais passons.

Les après-midis sont tout entier voués à l’alourdissement de l’atmosphère. Chaque parcelle de notre oxygène doit être enrichie en H2O avant la tombée de la nuit (18h, ndlr). Pour aider au processus, le thermostat augmente d’environ 5 à 10° Celsius. Ainsi nous suons tous sans bouger et donnons de nos personnes pour le maintien du cycle des saisons. La mer participe également en s’évaporant, tout comme le reste des flaques, rivières, étangs et lacs qui parsèment le territoire.

Pour le spectacle, le ciel se peinturlure tout dans la gamme des gris. Du gris noir au gris clair. A un moment, il doit choisir et se prend un gris classique et sobre, parfaitement uni. Quand tous les nuages sont bien en rang à tel point qu’on n’en distingue plus qu’un seul, c’est le déchaînement. Immédiatement après le premier coup de vent frais, advient l’inévitable.

Dans la rue les gens sortent avec de grands parapluies multicolores, mais surtout avec des charlottes sur la tête. Les enfants en uniforme vichy tentent parfois d’accorder la mousseline légère qui flotte au dessus de leur chevelure à la couleur des carreaux qui flottent au dessus de leurs genoux.

L’eau ruisselle partout. C’est un test imparable sur l’étanchéité des choses. De la chaussée d’abord où de grandes flaques prennent de stratégiques positions pour empêcher les aller et venues intempestives des piétons sur leur territoire désormais imprenable. Les travaux publics s’obstinent à croire qu’il ne pleuvra pas quand ils quittent sur le trottoir les tas de gravas et graviers à la fin de l’après-midi, témoins faussement irréductibles du labeur accompli. Les eaux emportent les roches jusque dans les ravines, au matin leur lit est surhaussé de deux mètres. Et quand elles en ont assez de ne pas pouvoir circuler à leur aise, elles font abattre les murs qui gênent leur passage. Noyant d’insalubrité la ville et nous tous.

Etanchéité de l’appartement chéfial idem. Comme il n’y a pas de vitres à mes fenêtres, des gouttelettes anarchistes prennent d’assaut mes mètres cubes de vie quotidienne, sans rien mouiller. A deux centimètres de la moustiquaire de mon lit, une fine rigole s’est taillé la part du lion dans mon mur immaculé. Elle transporte avec elle la sueur de la ville qui se développe à la faveur de la pression atmosphérique. Sueur noire de poussière, rouge de plumes de coqs et de fleurs d’hibiscus. Je m’endors avec l’impression d’être en week end en Bretagne, tapatapatap fait l’averse sur le toit. La nuit, quand la chaleur a abdiqué, que l’air est bien propre après trois heures de lavements ininterrompus, je rêve que mon lit flotte. Entre l’île de Grand Goâve et le wharf (j’adore ce mot, on dirait un chien qui aboie en rigolant), sur la baie de Port-au-Prince.

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