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La vie c’est moche, et ça commence super tôt

Par Antôane, ministre du népotisme et du privilège indu , le mercredi 30 juillet 2008.

Même pas encore huit ans révolus, et déjà qu’il faut te rendre à l’évidence : le monde qui t’entoure est sournois et hostile. En une année à l’école primaire ton esprit, quoique vif mais encore fragile, est l’objet d’un grand nombre d’agressions : les compléments d’objets indirects et les noms des quatre fleuves qui parcourent la Francie (aïe oui, y en a cinq si on compte le Rhin), subi le spectacle de l’école où on vous a forcé à vous déguiser en crayon de couleur (le marron qui plus est) devant votre famille qui prenait des photos qui plus est, subi la honte de devoir offrir en guise de cadeau de fête des pères un vide-poches en papier (voire un cendrier en plâtre peint avec des couleurs approximatives assorti, cerise sur le gâteau, de l’empreinte de ta main au milieu).

Après avoir passé moultes épreuves de septembre à juin (et encore, on n’a pas parlé de la cantine et de la souffrance de manger de la viande mal cuite moins de 24 heures après s’être fait resserrer l’appareil dentaire), deux mois de vacances s’annoncent. Le pied : coucher à 21 h 30 tous les soirs, la télé au p’tit déj’, les murailles de sables hautes de 45 cm, absolument in-fran-chis-sables par les grosses vagues de la Méditerranée, et plus d’obligation de regarder Thalassa le vendredi soir.

Sauf que voilà, la plus grosse menace qui pèse sur un adorable bambin à la peau de pêche délicatement duvetée ne se cache pas derrière les faux airs bienveillants d’une institutrice, mais bel et bien dans son entourage proche. Car oui, non content d’avoir inventé les grands frères et les sous-pulls, Dieu a créé les visites culturelles.

Parce que c’est pas le tout d’avoir d’avoir ramené des neuf et demi sur dix toute l’année en dictée. C’est que le parent, ce fourbe, considère que c’est pas parce qu’on est en vacances qu’il faut se reposer sur ses lauriers. Au contraire.

Dès lors, avant même d’atteindre le lieu de vacances, la route va s’apparenter à un long et douloureux chemin de croix. Dans le meilleur des cas, tu ne connaîtras que l’habitacle de la voiture, ponctué par quelques pauses pique nique sur des aires de repos. Dans le pire, ton chemin te conduiras par l’A6 et là, tu ne pourras pas faire abstraction, une fois entré en Bourgogne, de l’Archéodrome de Beaune, une des plus grande aires d’autoroute d’Europe, où trône la reconstitution d’un camp gaulois.

Le meilleur des cas s’apparentant à dix heures de voyage les genoux atrophiés car pliés en deux en raison du manque de place généré par la présence dans l’habitacle d’un grand frère, des chaises de camping, de la table de camping, du camping gaz et surtout de L’ENNEMI : la glacière. Sorte de boîte bleue supposée servir à garder le melon et la Vache qui rit au frais. Sauf que y a que des parents pour y croire. Y que les parents pour ne pas se rendre compte que les pains de glace ont fondu au bout de 50 kilomètres sur les autoroutes du Sud. Une invention humaine qui, dans 3000 ans, semblera aussi fondamentale que la découverte du minitel.

Elles ont même pas commencé qu’elles commencent bien les vacances.

Au moins, les dernières heures de trajet n’existent pas vraiment car, vaincu par un tel traitement, la fatigue est plus forte que le reste et les paupières se closent jusqu’à l’arrivée au camping sur le coup des 22h30. Et les yeux ne se réouvrent que vaguement une fois posé dans ton duvet, les bras et le reste du corps préalablement badigeonnés d’une citronnelle aussi inoffensive que malodorante.

(JPEG)

Vaincu par les 35 degrés qui règnent sous la tente dès les huit heures du matin en raison du soleil qui frappe la toile de tente, tu te réveilles en sueur, la marque des plis du tee-shirt utilisé comme oreiller pendant la nuit imprimé sur le visage, les jambes qui grattent (bouffées par des moustiques affamés) et totalement déshydraté. La gueule de bois avant d’en avoir l’âge.

Et là, la première envie est d’enfiler un slip de bain (et un tee-shirt pour éviter les coups de soleil) et zou galinette, direction la plage. Sauf que tes parents ont oublié d’être cons et ont oublié d’oublier ton second pire ennemi : LE GUIDE TOURISTIQUE (qu’il soit bleu, vert ou routardier). Car si tu as eu le temps de prendre de l’avance sur l’arthrite de pépé en étant plié en deux pendant le trajet, tes parents ont aussi pris le temps d’occuper le leur au cours du même laps de temps. Et, manque de bol, y’a un con d’écrivain qui a su prendre le temps de vivre dans les parages y’a cinquante ans lors de ses dernières années passées à éviter la foule en cherchant l’inspiration en se gavant d’absinthe en regardant le Tour de France à la télé.

Et surtout, y’a des cons qui ont eu l’idée de faire un musée de cette dernière demeure probablement jonchée de cadavres de bouteilles de cognac. Comment passer à côté d’une telle occasion de s’instruire ? Eh bien on peut pas, donc on y va. Au moins les parents ont la décence de t’offrir l’entrée du mausolée (quand elle est pas gratuite vu que tu es encore trop jeune pour avoir connu le CM1). C’est toujours ça d’économisé sur le budget bières et baby foot des vacances. Et c’est parti pour une heure et demie de narration. Avec un peu de chance, les gestionnaires du mausolée n’ont pas eu l’indécence de mettre des mannequins de cire pour simuler le scribouillard en question avec une plume dans la main afin que le gogo ait vaguement l’impression de le voir coucher sa peine sur le parchemin. Sinon, juste des pièces remplies de meubles que tu ne peux pas voir, vu que tu as la malchance de mesurer 1,25m et que ton champ de vision ne t’offre que la vue du sac banane d’un gros bonhomme en short plutôt vulgaire.

Une fois la visite achevée, c’est qu’on se taperait une p’tite glace. Comme tes parents, les gardiens du musée ont oublié d’être cons. Y’ a une cafète où ils vendent des glaces. Sauf que non ! Avant les glaces passe la boutique. C’est qu’il faut absolument garder un souvenir de cette inoubliable visite passée le nez au niveau du sac à dos de la femme du gros bonhomme en short plutôt vulgaire. C’est qu’à la boutique y’a des trucs incontournables comme un bouquin sur l’histoire de la restauration de la maison de l’écrivain dans les années 60. D’ailleurs, ce sont encore ses descendants qui gèrent la maison. Bon, plus aucun ne porte son nom et ce sont de vagues arrières petits neveux qui gèrent ses intérêts et aucun n’a jamais eu la moindre ambition littéraire, mais fallait bien qu’il y en ait pour vider les cadavres de bouteilles. Revenons à la boutique. Vu que tu as été sage, tu as droit à un porte-clefs avec dessus le numéro de téléphone du musée. Tu vas pouvoir te la péter en CM1 !

Et vu que t’insistes un peu tu as le droit à une glace pousse-pousse qui va, au mieux te laisser des traces roses dégoûlinantes sur ton tee-shirt, au pire attirer les guêpes et t’aider à développer ta collection de piqûres sur les jambes.

Voilà, il est midi. C’est qu’on a bien mérité de manger un morceau avant d’aller faire des pâtés. Pauvre fou ! Pendant le trajet, tu étais bêtement occupé à feuilleter ton cahier de vacances. Et du coup, l’abbaye du XIIIe siècle qui s’était négligemment posée sur le bas côté de la route, tu l’as pas vue. Mais tes parents, devrais-je te le répéter une fois de plus, sont loin d’être cons. Ils l’ont forcément remarquée. Pourquoi se passer d’une telle visite avant d’aller se caler le ventre ?

C’est que c’est super intéressant comme visite ! D’abord, le prospectus dit que dans l’abbaye y’a des vitraux. Et d’après l’Office du tourisme qui rédige les imprimés distribués à l’entrée du lieu de prière en question, eh bien les vitraux en question retracent le Chemin de croix non pas en quatorze, mais en seize stations !

Au moins l’intérêt de la visite d’une abbaye, c’est que tes parents te laissent vaguement vaquer à tes occupations, comme aller jouer avec tes copains sur les marches de l’abbaye pendant que tes parents prennent le frais à l’intérieur. Mais qu’est-ce qu’ils en mettent comme temps à sortir ! Fichtre, c’est pas la cathédrale de Reims tout de même (qu’est quand même vachement plus intéressante pare que y a des vitraux de Chagall à l’intérieur, ce que n’importe quel gamin de huit ans devrait absolument découvrir d’après moi).

Ce seront finalement les deux coups de cloche indiquant les midis au soleil (et non la faim, si ce n’est celle d’en savoir plus sur les églises romanes) qui fait sortir tes parents de l’abbaye. Et enfin direction le camping. Si tout va bien, une fois passées les guêpes qui vont avec la pastèque, direction la plage à 16 heures au plus tard.

Quelques heures plus tard, arrivent les 15h30. Le repas s’achève. S’ensuivent quarante minutes de quartier libre dans les allées du camping pendant que les parents lavent les gamelles aux sanitaires du camping. Alors que vous étiez tranquillement installé à inonder une fourmilière l’aide d’un vague mélange d’eau de mer, de liquide vaisselle et d’orties, voilà qu’on vous annonce qu’à dix kilomètres de là, existe l’INCONTOURNABLE musée de la chaise (cannage et rempaillage) !Et dire qu’à la rentrée la maîtresse elle va demander d’écrire une rédaction sur le thème Ô combien original « Racontez vos vacances »...

C’est quand qu’on rentre ?


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