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The Bible Unearthed

Par Le Ministre du Ministère , le mardi 7 juin 2005.

Et oui, un livre en anglais mais qui a aussi été traduit pour la France-d’en-bas qui n’est pas cosmopolite. Bon a priori, c’est pas baisant, mais le bouquin est vraiment excellent. La critique aussi.

I. FINKELSTEIN et N.A. SILBERMAN, The Bible Unearthed Archeaology’s New Vision of Ancient Israel and the Origin of its Sacred Texts. New York, 2001. Traduction française : La Bible déterrée.

Livre né du besoin de confronter les récentes fouilles archéologiques - notamment depuis les années 1960 - et le texte biblique. Une conception littérale et intégraliste de la Bible prône une lecture au pied de la lettre, acceptant ce livre comme une source fiable pour l’histoire d’Israël ; mais des lectures se voulant plus critiques vis-à-vis du texte ont elles aussi corroboré jusqu’ici l’hypothèse de la Bible comme chronique recevable. L’archéologie, dans cette perspective, se trouvait réduite à une technique de pure confirmation de ce qu’avançait le texte biblique : les fouilles étaient faites à partir des nombreuses indications géographiques qui s’y trouvent, et l’on identifiait les résultats avec les restes des deux royaumes anciens de Juda et d’Israël.

Récemment des historiens et archéologues ont remis en question cette approche très biaisée de l’étude du terrain et des fouilles, complétant la remise en cause du texte biblique commencée à la Renaissance. Les deux auteurs veulent non pas apporter des éléments radicalement nouveaux, mais faire une synthèse globale de plus de cent ans de fouilles entre Liban et Sinaï. Ils examinent donc les thèses, des plus anciennes (celles des intégralistes, mais aussi celles des chercheurs, notamment Allemands, qui ont commencé à sérieusement attaquer le texte dès le milieu du XIXème siècle), aux plus récentes. Leur thèse personnelle, affirmée dès l’introduction, reprise sans cesse par la suite, est que la Bible n’est pas l’histoire (au sens où nous l’entendons aujourd’hui) du peuple hébreu, écrite par les contemporains ou quasi-contemporains des événements (Moïse pour l’Exode par exemple). Elle est selon eux le fruit d’un travail mené bien plus tard, vers le VIIème siècle avant JC, par des auteurs, compilateurs, éditeurs issus des milieux religieux et administratifs autour du roi de Juda Josias, pour soutenir ses prétentions sur les territoires alentour, ainsi que son œuvre d’unification et de centralisation en renforçant le rôle exclusif du temple de Jérusalem et l’idée d’une lignée de rois depuis Josué, David et Salomon, donc Josias serait le descendant direct. Il s’agirait donc plutôt d’un mythe fondateur ou, en termes contemporains, d’un texte de propagande.

L’ouvrage, pour peu abordable qu’il puisse paraître, est remarquablement bien construit, selon une logique rigoureuse qui permet même aux néophytes en matière biblique ou archéologique de s’y retrouver. Trois grandes parties suivent l’historique d’Israël, tel qu’il est tracé dans la Bible. Tous les chapitres se déroulent de la même manière : une première partie présente l’histoire telle qu’elle est racontée dans la Bible,et reprend à la suite les thèses les plus anciennes (XIXème et début XXème), fondées sur des fouilles d’époque, qui confirment généralement ce récit. Une deuxième partie émet d’abord des hypothèses de travail simples et des critiques sur la forme, à la manière des historiens anglo-saxons, puis confronte ces premières thèses avec les résultats des fouilles, pour montrer leur insuffisance. Enfin, les auteurs avancent leur propre thèse, en ayant recours aux résultats des fouilles les plus récentes, mais aussi en critiquant le travail de datation et d’interprétation. Ils ne se cantonnent pas au territoire biblique des royaumes d’Israël et de Juda, mais mettent en permanence en regard les résultats locaux, le récit biblique, et le contexte économique et géopolitique de l’époque.

Il en ressort que les Hébreux - puis les Juifs - ont les mêmes origines que ces Cananéens que la Bible décrie tant, et que les Edomites ou Moabites. Les auteurs retracent l’ethnogenèse de ce peuple, depuis les premiers villages à la conscience d’une histoire et d’une identité spécifiques. L’histoire d’Abraham, le patriarche fondateur, venu d’Ur en Mésopotamie, sert à renforcer cette identité des Hébreux à une époque où le royaume de Juda tente de se singulariser pour légitimer ses prétentions sur les territoires alentour. De même, les nombreuses histoires qui font d’Abraham le père de nations concurrentes du royaume de Juda, mais n’ayant pas la bénédiction divine, servent les mêmes fins. Les histoires de Josué (conquête de la terre promise) et des Juges (nécessité de se séparer des peuples avoisinants) suivent la même logique.

La question du royaume fabuleux de David et de Salomon est elle aussi à comprendre dans le contexte du royaume de Juda, bien plus tardif. Le roi Josias, dans l’entourage duquel se crée la Bible telle que nous la connaissons, se dote ainsi d’une ascendance glorieuse. Il met également en place une histoire qui explique l’existence du royaume d’Israël (au nord du royaume de Juda). Dans la version biblique, ces deux royaumes sont le résultat de la division en deux de l’ancien royaume de David. L’archéologie montre qu’il s’agissait en fait de deux royaumes bien distincts. Celui d’Israël, plus ancien, plus développé, ressemble de très près aux cités-Etats de la côte (Tyr, Sidon, etc.) : même culture matérielle, mêmes constructions palatiales, mêmes cultes, un rôle important dans le commerce vers la côte. Celui de Juda ne fut pendant très longtemps qu’un amas très primaire de villages pauvres, purement agricoles, sans hiérarchie sociale, sans fonctions supérieures (administration, armée) ; en bref un coin reculé, dont la capitale (Jérusalem) faisait bien pâle figure à côté des grandes villes du Nord (Samarie en particulier). Les textes égyptiens ou mésopotamiens présentent le royaume du Nord (Israël) comme un allié ou un ennemi puissant, riche ; ils ne font aucune mention de Juda. Juda n’émergea qu’après qu’Israël fut écrasé par les Babyloniens, laissant une place vacante. Le texte biblique crée de toutes pièces l’idée de l’unité ancienne des deux royaumes pour soutenir les prétentions de son ambitieux roi Josias. La chronique des rois depuis Salomon, montrant des rois cruels et impies dans le Nord, et justes dans le Sud, sert à mettre en valeur Josias.

Enfin les auteurs montrent que les passages ayant trait au retour de l’exil montrent la même volonté de mettre Jérusalem en avant, comme seul centre de culte autorisé. Les élites israélites créent ainsi les bases de la religion juive telle que nous la connaissons, une religion qui est déjà, à l’époque, liée à l’exil, à une recréation par les textes d’un royaume qui n’a jamais existé.

La force des auteurs de la Bible - ceux de l’époque de Josias, mais aussi ceux de l’époque du retour d’exil - est d’avoir su utiliser des mythes, des thèmes et des figures visiblement largement répandus ; d’avoir mélangé des histoires d’hommes et de femmes, avec celle d’un peuple, et celle de l’humanité, donnant ainsi une explication cohérente aux destins particuliers, et à l’histoire générale ; d’avoir enfin codifié les rapports humains en faisant ressortir de ces histoires un ensemble de lois qui insistent sur la notion d’identité et de solidarité. La force de ce récit permit au Juifs de survivre à des exodes multiples, à la dispersion, à la destruction de leur lieu de culte ; elle permit à leur texte sacré d’être une fondation de la civilisation occidentale actuelle.

« ... the sacred text of the Hebrew Bible was gradually translated into Greek in the third and second centuries BCE and became the chief source of community identity and guidance for all those members of the house of Israel who lived beyond the immediate vicinity of the Temple of Jerusalem. Its saga of Exodus and the conquest of the Promised Land offered a shared vision of solidarity and hope for every individual in the community - in a way that royal or heroic mythologies could not. [...] In the first century BCE [...] the Bible emerged as the uniting force and scriptural heart of a hard-pressed community. [...] Nowhere else in the ancient world had such a powerful, shared saga been crafted : the Greek epics and myths spoke only by metaphor and example ; Mesopotamian and Persian religious epics offered cosmic secrets but neither earthly history nor a practical guide to life. The Hebrew Bible offered both, providing a narrative framework in which every Jew could identify both family and national history. In short, the saga of Israel that had first crystallized in the time of Josiah became the world’s first articulated national and social compact, encompassing the men, women, and children, the rich, the poor, and the destitute of an entire community. [...] The Hebrew Bible would offer an unparalleled source of solidarity and identity to countless communities in the centuries that followed. The details of its stories, drawn from a treasury of ancient memories, fragmentary histories, and rewritten legends, possessed power not as an objective chronicle of event in a tiny land on the eastern shore of the Mediterranean but as a timeless expression of what a people’s divine destiny might be. Just as the subjects of Charlemagne paid homage to him as a new, conquering David - and the followers of the Ottoman sultan Suleiman saw in him the wisdom of Solomon - other communities in very different cultural contexts would identify their own struggles with the struggles of biblical Israel. [...] Yet the Bible’s integrity and, in fact, its historicity, do not depend on dutiful historical “proof” of any of its particular events or personalities [...]. The power of the biblical saga stems from its being a compelling and coherent narrative expression of the timeless themes of a people’s liberation, continuing resistance to oppression, and quest for social equality. It eloquently expresses the deeply rooted sens of shared origins, experiences, and destiny that every human community needs in order to survive. In specific historical terms, we now know that the Bible’s epic saga first emerged as a response to the pressures, difficulties, challenges, and hopes faced by the people of the tiny kingdom of Judah in the decades before its destruction and by the even tinier Temple community in Jerusalem in the post-exilic period. Indeed, archaeology’s greatest contribution to our understanding of the Bible may be the realization that such small, relatively poor, and remote societies as late monarchic Judah and post-exilic Yehud could have produced the main outlines of this enduring epic in such a short period of time. Such a realization is crucial, for it is only when we recognize when and why the ideas, images, and events described in the Bible came to be so skillfully woven together that we can at last begin to appreciate the true genius and continuing power of this single most influential literary and spiritual creation in the history of humanity.” pp. 316-318.

Y’en a marre que ce site il enlève tous les alinéas.

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