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Fabian Marcaccio au FRAC Auvergne
Fabian Marcaccio est un artiste de 42 ans qui a déjà derrière lui un parcours impressionnant. Argentin, il arrive aux Etats-Unis après des études de philosophie et se dirige vers la peinture... ou plutôt vers une déconstruction des formes picturales traditionnelles. Il renonce par exemple au châssis et étire sur le mur, par divers moyens, ses grandes toiles. Il utilise par ailleurs des matériaux très hétérogènes (peinture à l’huile, silicone, encre pour imprimante). Jusqu’ici sa pratique n’est pas révolutionnaire : comme de nombreux artistes contemporains, il expérimente un nouvel espace, une nouvelle matière. Mais si son œuvre est particulièrement fascinante, c’est d’une part parce que Fabian Marcaccio a un vrai sens de l’équilibre spatial et de l’harmonie chromatique - ce qui n’est pas évident au vu des grands formats sur lesquels il travaille. D’autre part parce que dans le magma qu’il crée - où se superposent le plus souvent des photographies scannées, étirées et imprimées sur la toile, des traces gluantes de silicone, des aplats de peinture à l’huile - émerge une complexe richesse à explorer. Ainsi l’œuvre s’offre dans une double temporalité : elle s’impose et séduit immédiatement tout en se développant, s’épanouissant au fil du temps. Là encore, me direz-vous, ce n’est pas extraordinaire : c’est juste la preuve qu’il s’agit d’une œuvre de qualité. Certes, mais je renchéris en soulignant que l’univers de Fabian Marcaccio est très singulier. S’il appelle ses œuvres des "paintants", mélanges de "painting" et de "mutant", ce n’est sans doute pas seulement parce que ses créations sont souvent très proches d’étranges êtres biomorphiques (grâce notamment à son utilisation du silicone et à des tonalités couleur chair). Elles recèlent en effet toujours des éléments de surprise qui mettent à mal l’horizon d’attente du spectateur. Selon notre position, ces œuvres apparaissent tantôt comme une vaste et jouissive explosion d’éléments abstraits et colorés, tantôt comme une accumulation, juxtaposition ou superposition d’images figuratives parfois extrêmement agressives. C’est une des forces de cet artiste que de jouer sur ce double registre, d’être capable de créer des œuvres formellement séduisantes, et parfois totalement trash. Ca coule, ça vomit, ça hurle, mais avec un peu de distance,on trouve ça beau. Au FRAC d’Auvergne, Fabian Marcaccio a réalisé une œuvre in-situ qui doit être détruite à l’issue de l’exposition. Pour la première fois - à ma connaissance -, il a réalisé une œuvre monochrome, entièrement réalisée en plâtre. Il a investi tous les murs qui étaient à sa disposition, les a recouvert de plâtre et a réalisé des bas-reliefs avec les moules qu’il avait amenés. Cette œuvre intrigue dans la mesure où elle renvoie à de multiples pratiques artistiques : avec les motifs en bas-relief, on évolue dans un champ sculptural ; la couleur blanche du plâtre place également l’œuvre dans l’univers du monochrome (et ses différentes nuances, selon le degré d’humidité) ; par ailleurs, le fait que l’œuvre s’étende sur les murs la place dans une démarche post-moderne de rejet de la forme tableau et la rapproche d’une installation ; enfin, son caractère éphémère et in situ en font presque une performance. Outre ces éléments de lecture tirés de l’histoire de l’art, on évolue bel et bien au sein de l’univers singulier de Fabian Marcaccio : la forme de certains moules (haricots, cordages, etc.) renforce le sentiment d’être face à face avec les restes d’une civilisation disparue... pourtant pas si différente de la notre. On trouve sur les murs de nombreuses armes à feu qui s’entasse les unes sur les autres, des coulures de plâtre, des filets, des cordes qui se développent comme des rhizomes. David Cronenberg est un cinéaste qui l’a beaucoup influencé. C’est perceptible. C’était la première exposition individuelle de Fabian Marcaccio en France, en dehors des galeries. Je vous tiendrais au courant de ses prochaines apparitions. A Paris, il est représenté par la galerie Thaddaeus Ropac, 7 rue Debelleyme, 75003 Paris, www.ropac.net. A paraître bientôt le catalogue de l’exposition, édité par le FRAC Auvergne... et toujours pas de site internet.
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Est-il beau, l’expo ?
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