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Un conte de Noël
Un film où tout le monde se fait la gueule... Abel et Junon ont eu 4 enfants : l’un, Joseph est mort à 6 ans d’une atroce maladie. La fille aînée est devenue une femme triste, écrivain et mère d’un fils schizophrène. Henri, le cadet, est devenu une sorte de loser spéculateur. Le dernier fils a épousé une belle jeune femme, et n’est pas à plaindre. Compliquons les choses : Junon est malade de la même cochonceté qui a tué le petit Joseph. Une chose peut la sauver : une greffe de moelle épinière. Deux donneurs possibles : le petit-fils Schizo ou le fils alcoolo-perdant. Problème, ledit Henri a été banni par la soeur dépressive après que celle-ci ait racheté ses dettes. Et ce n’est que le plus gros des problèmes, car le jeune frère a aussi son quoto d’embrouilles. Bref, tout ça nous amène à un repas de Noël qui s’annonce explosif : après avoir été exclu pendant 6 ans, Henri revient et il n’est pas content. Mais qui finit bien quand même (à sa façon névrosée)
Il est difficile de résumer un conte de Noël, et celui proposé ci-dessus ne fait qu’effleurer le sujet. De même, le réduire à un règlement de compte entre Desplechin et sa famille (par exemple sa soeur Marie, qui écrit aussi) serait abusif. Un conte de Noël est un film extrêmement complexe. On y trouve des références à Wes Anderson (famille réunie par la maladie du chef de maladie comme dans la famille Tennenbaum), au Songe d’une nuit d’Eté (présent de manière subliminale par la musique de Mendelssohn et un extrait de film), à Bergman, à Nietzsche (deux pages de la généalogie de la morale lues par le père), au jazz, etc. Le tout forme un patchwork qui ne laisse pas indifférent. Je vais donc essayer de donner mes impressions, peut-être confuses, mais pour avoir une meilleure appréciation, il faudrait qu’une bonne âme m’achète le dvd (d’ailleurs, mon anniversaire est passé de peu). Le plus important, il me semble, est que ce film provoquera de grandes sensations chez une certaine partie du public, et je suis très content d’en faire partie. Il touche à des thèmes très forts : les liens dans la famille, les histoires d’amour qui se sont faites ou pas faites, d’une façon qu’on ne verra pas ailleurs que chez Desplechin : personnages au bord de la folie sous une apparence de bourgeoisie tranquille. Le film risque de glisser dans le n’importe quoi : remarques continuelles sur le fessier d’Emmanuelle Devos, Melvil Poupaud qui fait du scratch, discours sur la probabilité mathématique, présence d’Hippolyte Girardot... pour toujours réussir, à revenir sur le fil, à reprendre l’histoire. Malgré tous les détours, on sent la maîtrise du réalisateur. D’ailleurs, j’avoue ne pas avoir saisi tout le propos. J’ai suffisamment confiance dans ce que j’ai vu pour sentir qu’il y a quelque chose derrière. Le nombre impressionnant de couche de signification, de personnages pouvant être vus à plusieurs degrés différents, aux attitudes ambigues, fait que je doute que deux personnes aient, en première vision, la même interprétation du film. Je le vois comme une sorte de générosité : au fond on peut voir ce qu’on veut dans cette histoire. Parlons de la mise en scène : si Roi et Reine était visuellement défini par son montage corrosif, Un conte de Noël est beaucoup plus souple. Ne pas conclure que Desplechin se calme : on a encore beaucoup de choses qui feraient hurler un programmateur de chaîne de télé (discours caméra, ce genre de chose), mais sa mise en scène se fait au service de la narration. Tant mieux, celle-ci est déjà assez dense ainsi. Évidemment, les acteurs sont fantastiques, mais c’est toujours le cas chez ce réalisateur. A force d’utiliser les mêmes acteurs, une forme spéciale de communication a dû se créer. En tout cas, césar du meilleur second rôle féminin obligé pour Anne Consigny, fantastique de bout en bout. C’est un film sérieux, qui assume ses références, qui n’hésite pas à affronter des films de Dreyer, ou Bergman, ce genre de cinéma peut-être un peu lourd, un peu (un petit peu) chiant, mais qui récompense beaucoup. C’est aussi un film qui malgré son aspect extrêmement littéraire a un impact physique et émotionnel intense. C’est un film que j’espère vous verrez, bien que je n’arrive pas à le raconter.
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