Dans la même rubrique
- Rubber, un film de Quentin Dupieux
- Sunshine Barry and the disco worms (2008) : Un film de Thomas Borch Nielsen
- Julie & Julia : une nouvelle race de fiction conservatrice
- Les noces rebelles, un film de Sam Mendes
- Un conte de Noël
- Hancock, un film de Peter Berg
- Speed Racer
- Extension de la luciocratie
etc.

Autres piges de
Benjamin S., Jeuniste du prix et de la mornographie

- Joie, joie, pleurs de joie
- The Mars Volta : Frances The Mute
- In her shoes
- In rainbows (premières impressions)
- Le monde de Némo
- La jeune fille de l’eau
- La vie est dure mais la mort est définitive
- Les mandarins de Simone de Beauvoir (1954)
etc.


O
ù kon est ?
> Rubrix > Ciné Cinéma

Les noces rebelles, un film de Sam Mendes

Par Benjamin S., Jeuniste du prix et de la mornographie , le lundi 9 février 2009.

Kate Winslet et Di Caprio se retrouvent sur un nouveau bateau en train de couler. Bienvenue dans la condition féminine des années 50.

Les noces rebelles de Sam Mendes

I never wanted out, I only wanted in

April Wheeler (Kate Winslet dans le film)

Attention : même si je ne raconte rien de précis du film, cet article peut contenir des spoilers. A ne lire donc que si vous avez vu le film, ou si vous savez à peu près ce qu’il y a dedans.


Découvrez Thomas Newman !

Résumé : Frank et April Wheeler se sont mariés, pleins de projets. Elle sera une grande actrice, lui quelqu’un de bien. Dix ans, plus tard, alourdis par deux enfants, une maison en banlieue, un boulot inintéressant pour Monsieur, une vie de femme au foyer pour Madame, le piège de la banalité s’est refermé sur eux. Arriveront-ils à changer leur vie, et sortir de leur enfer ?

Bande-annonce américaine avec un remix de Wild is the wind de Bowie en fond. Finalement, j’avais raison d’entendre "don’t you know your life is hell" au lieu "de don’t you know you’re life itself".

Critique : Dans l’amour du nom, Martine Broda définissait le lyrisme de cette façon : au lieu d’aimer une personne réelle, on va aimer le fantasme de cette personne, aimer son nom plus qu’elle même. Un exemple parmi d’autres : quand Charles Baudelaire peut enfin se taper Mme Sabatier, celui-ci se rétracte :« Il y a quelques jours, tu étais une divinité, ce qui est si commode, ce qui est si beau, si inviolable. Te voilà femme maintenant... ». Autres exemples : Dante traversant les enfers retrouver une femme qu’il connaît finalement peu et qui ne l’aimait certainement pas. C’est un amour qui ne reste beau et pur que tant qu’il ne donne rien de concret.

Pourquoi je vous parle de cela ? Parce que ce concept de lyrisme est au cœur même du nouveau film de Sam Mendes. Face à une condition sociale aliénante, le couple Wheeler, sous l’impulsion de la femme, va s’inventer un autre avenir, un autre monde possible, loin des cocktails chez les voisins, loin des pelouses trop bien tondues. Partir à Paris, et pourquoi pas ?

Difficile de résister à Leo, et pourtant... - 20.6 ko
Difficile de résister à Leo, et pourtant...

Ce fantasme fonctionne aussi loin que possible. Tant qu’on peut repousser le départ, s’affirmer comme différent, tant qu’il existe un possible qui sort de la nécessité du quotidien, tout est bien. Enlevez ça, et on s’effondre.

S’effondrer, ou plutôt s’étouffer. Du début à la fin, la claustrophobie est le sentiment dominant. Rigueur des plans, musique atmosphérique et dépressive de Thomas Newman, logique implacable d’un scénario qui va passer en éclipse les moments heureux de la vie, tout est mis en jeu pour nous faire sentir la fatalité qui dirige les personnages. Car il est clair dès la première scène que nous allons assister à une tragédie.

L’affiche du film - 44.1 ko
L’affiche du film

On retrouve là le réalisateur d’American Beauty, dans un contexte différent. Si dans les années 90, changer sa vie reste possible, dans les années 50, même pas la peine d’y penser. Pourtant, le couple Wheeler est présenté comme un coupe extraordinaire, dont la réussite supposée et le glamour servent à leur tour d’exutoire pour les voisins. Pourtant, comme dans toutes les tragédies, la réussite du projet semble constamment à portée de main.

Le film tire sa force d’une analyse fine de cet enfermement. Si la pression sociale est forte, elle est d’autant plus forte qu’elle est intériorisée. Dans Loin du paradis de Todd Haynes, film au sujet proche, la société jouait à plein son rôle normalisateur par les reproches dont étaient assaillis les protagonistes. Dans les noces rebelles, le couple est son pire ennemi : personne ne les empêche de faire quoi que ce soit, ils sont les causes de leur propre malheur. Aspirant au bonheur, mais ne sachant comment l’atteindre, ils sont à l’image de la phrase que j’ai mis en exergue : comment profiter de la vie, quand on est pas dedans, qu’on est condamné à la voir défiler de l’extérieur ?

Et si je te montre mes pecs, ça te fait rêver ? - 26.9 ko
Et si je te montre mes pecs, ça te fait rêver ?

Pour conclure, un petit mot sur les acteurs et sur le film. Di Caprio et Winslet sont excellents, dans des rôles aux antipodes de Titanic, surtout Leo, à la fois glamour et terrifiant. Le film en lui-même est excellent, très marquant moralement, bien que franchement manipulateur : c’est le corollaire de toute tragédie, que d’imposer une vision déterministe du monde. Si cela se justifie pleinement de par son contexte historique, l’impact sur le spectateur en est un peu diminué : une telle histoire ne serait plus possible aujourd’hui. Au moins, cela a-t-il le mérite de tordre le cou de la nostalgie de la famille des années 50, brandie en exemple pour critiquer notre époque par les conservateurs.

Les photos sont tirées du site internet DVDRAMA


Ciné Cinéma