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Rubber, un film de Quentin Dupieux

Par Benjamin S., Jeuniste du prix et de la mornographie , le jeudi 14 octobre 2010.

Les lumières s’éteignent dans la salle. Sur l’écran, un homme pose des chaises dans une zone désertique. Une voiture arrive et écrase les chaises. Un homme sort du coffre de la voiture. Il s’approche et nous parle : dans les films les choses ne font pas toujours sens et dans ce film rien n’en fera. C’est un hymne au « ça n’a pas de sens ». Si vous n’êtes pas capable d’accepter ce postulat, vous n’avez rien à faire ici.

Ok. Nous on est Luciocrate. Alors le non-sens ne nous fait pas peur. Mais est-ce que ça suffit à faire un bon film ?

Posons les enjeux : Quentin Dupieux est une sorte de génie du mal. Il nous a fait groover avec un beat monolithique illustré par une créature jaune fumeuse de cigare.


Mr OIZO "flat beat"
envoyé par cyl20. - Clip, interview et concert.

Il a réussi à nous émouvoir des aventures d’un homme boue à la piscine.

Il a réussi à terroriser des hordes de djeunz avec un film mettant en vedette Eric & Ramzy (le « culte » Steak).

Bref, Mr. Oizo, c’est pas n’importe qui. Donc quand il annonce faire un slasher avec un pneu qui tue par la pensée (comme dans Scanners de Cronenberg), ça donne envie... enfin, au moins, ça titille l’intérêt.

En fait, c’est encore plus compliqué et bizarre que ça. Il y a d’abord l’histoire du pneu. Et il y a l’histoire des spectateurs qui regardent le film avec le pneu. Mais contrairement à nous, qui regardons le film tranquillement sur notre siège, eux sont debout, et surtout, regardent l’action en temps réel. Du coup, ils restent deux-trois jours, et comme ils n’ont rien à manger, leur histoire devient bientôt aussi dramatique que celle du « film » qu’ils voulaient voir.

Quand l’histoire des spectateurs interagit avec celle du pneu, ça fait beaucoup.

Bref, Rubber est ce qu’on appelle un gros « mindfuck ». La question se pose de nouveau : est-ce que c’est intéressant ?

Ben, et là c’est mon avis, pas vraiment. On sent que la question du cinéma, de la fiction intéressent beaucoup Dupieux, puisque c’est un sujet qu’il avait déjà abordé dans non-film, son premier long. Mais ce n’est pas forcément une question très intéressante. Nous sommes en 2010 : il y a eu Brecht, il y a eu Pirandello, et il y a même eu les clés de bagnole. Les questions du créateur et de la créature, du fonctionnement de la fiction, de la distance spectateur / fiction, de la « willing suspension of disbelief », sont des questions qui ont été largement abordées, de telle façon qu’honnêtement, on a pas vraiment besoin qu’on nous dise avec des clignotants, que non, un pneu qui fait exploser des lapins par la pensée, ça se peut même pas.

Alors, ok, dans la deuxième partie, ça devient plus bizarre et un peu plus pervers que ça, mais il y a a une chose qui saute aux yeux quand on voit le film, et qui le tue : le réalisateur ne croit pas à son histoire. A tel point que cette non envie de faire le film en devient le moteur. Le fond du sujet c’est : j’ai un sujet de court métrage ou de clip, et je veux faire un film. Mais ça marche pas. Alors je veux arrêter au milieu. Mais le spectateur (dans le film, joué par l’imperturbable Wings Hauser, l’acteur « culte » d’un Aller sans retour ) veut voir le film. Mais il n’y a pas de film. Alors c’est la merde. Alors on filme les jolies fesses de Roxane Mesquida. Et c’est tout.

Dans Steak, il n’y avait pas beaucoup plus. Mais Dupieux croyait très fort à son sujet, et le film au final était très intéressant. Là, on a un sujet qui ma foi en vaut bien un autre (le pneu n’est pas plus ridicule ni moins menaçant que Javier Bardem dans no country for old men), mais que le réalisateur refuse de traiter. Et c’est dommage parce que les quelques scènes au premier degré (le pneu qui regarde la F1 ou l’aérobic dans une chambre d’hôtel minable) sont très réussies.

En conclusion, Rubber est un film qu’on peut soit trouver cela très novateur et iconoclaste, soit s’ennuyer ferme.

Moi je me suis globalement bien ennuyé.

Grosse déception, donc.

Si vous voulez vous faire votre propre avis, le film sort en France le 10 novembre.


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