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Julie & Julia : une nouvelle race de fiction conservatrice
Un film de Nora Ephron, avec Amy Adams et Meryl Streep. Résumé : Années 50, Julia Child (Meryl Streep), mariée à un diplomate américain, s’ennuie à Paris. Elle décide d’apprendre la cuisine, et écrira un livre de recettes qui la rendra célèbre aux Etats-Unis.
2001 : Julie Powell, brillante diplômée d’une grande université américaine, se morfond dans son job de seconde zone. Elle décide d’écrire un blog sur blogspot.salon.com (trademark) avec son ordinateur portable sony vaio (léger placement de produit), pour lequel elle va cuisiner toutes les recettes du livre de cuisine de Julia Child.
Entre Julie et Julia, y a-t-il une connexion ? Il y a deux films dans Julie & Julia, et ce n’est pas qu’une question de montage alterné. Il y a d’un côté un film pour fille tout à fait classique, et d’un autre un film de névrose qui s’ignore. Les deux vus ensemble disent plus sur les Etats-Unis qu’on aurait pu le croire (et que le croit peut-être la réalisatrice). D’un côté donc, un film pour filles. Qu’espérer d’autre d’ailleurs, venant de Nora Ephron, réalisatrice de Nuits blanches à Seattle et Vous avez un mess@ge ? On a donc, un groupe d’amie, un personnage principal qui part de rien et qui va se révéler via un talent insoupçonné, un couple que ce talent met en péril, une réconciliation dans la rue (je n’ai jamais aimé que toi, embrasse-moi idiot, etc.) et un happy end plein de succès pour tout le monde. On remarquera que le film est suffisamment bien fait pour qu’on s’y ennuie pas, le film parle de nourriture de façon assez appétissante, et Meryl Streep est ma foi une bonne actrice de comédie, un peu cabotine certes, mais à surveiller (elle ira loin cette petite). L’actrice principale est toute mimi, et l’histoire aussi. On remarquera aussi que la littérature pour fille (Chicklitt, comme on dit dans les dîners mondains), et par extension leurs adaptations, proposent une merveilleuse forme d’art : le conservatisme moderne. Après le diable s’habille en prada (avec Méryl Streep et Stanley Tucci dans le rôle de son fidèle assistant), histoire d’une jeune diplômée réduite au rang de secrétaire qui se rend compte que non, la mode ce n’est pas si frivole que ça, après confession d’une accro du shopping, l’histoire d’une fille qui aime faire les boutiques et s’en sort pas si mal à la fin, voilà un film sur une jeune américaine qui fait la cuisine (avec Méryl Streep et Stanley Tucci dans le rôle de son mari bien aimé). Fringues, boutiques, cuisine, je prédis pour la prochaine tournée un film sur une jeune femme moderne qui se casse une jambe et perd ainsi son job qui de toute façon ne payait pas bien, et qui se prend de passion pour le tricot, se rendant compte que c’est pas si dépassé que ça (on me dit dans l’oreillette qu’il y a déjà le patchwork de la vie avec Sandra Bullock, mais je réponds que ça ne se passe pas à New York). J’espère même qu’on aura un film sur une jeune new-yorkaise qui attend des quintuplés, et se rend compte que la vie de famille est fatigante, mais aussi tellement épanouissante quand on aime son mari, dieu, et l’amérique (mais en moderne). Le deuxième film, caché dans ce Julie & Julia, est un film de névrose, d’une amérique qui se replie sur son passé, et en appelle aux anciens qui ne veulent pas cette responsabilité. Car de quoi ça parle ? Une jeune femme qui a raté sa vie, dont les amies sont des petites arrivistes qui ont un égo trop gros pour la voir, et qui doit s’occuper au téléphone de dédommager les familles des victimes des attentats du 11 septembre. Pour trouver un sens à sa vie, elle décide de refaire ce qui a été déjà fait : ça s’appelle le conservatisme.
Au fur et à mesure, elle gagne en confiance, son blog a de plus en plus de succès, son égo augmente, et au moment où elle devient une pimbêche comme ses amies, la réalité la rattrape. Son mari ne veut plus d’elle, son lien possible avec Julia disparaît, bref c’est la loose.
Malgré le happy end final (un article dans le new-york times provoque un raz de marée de coups de fils d’éditeur, et elle va enfin pouvoir devenir écrivain), il y a un twist qui change la façon de voir le film. Attention spoiler !!!! (pas méchant par ailleurs) Un journaliste appelle Julie, pour lui dire que Julia, qui est vieille et mourra un an plus tard d’ailleurs, n’aime pas du tout le blog, que d’ailleurs elle n’a peut-être pas lu, et pense que la jeune fille n’est qu’une opportuniste qui veut s’approprier son nom. Ce coup de fil donne un deuxième degré de lecture au film. Au départ, il y a une jeune femme qui écrit un blog. Quand le blog a du succès, Julia l’appelle pour lui dire qu’elle est pas d’accord qu’on fasse revivre son souvenir ainsi. Alors Julie décide d’écrire un livre, pour montrer à quel point refaire les recettes l’a rendue proche de Julia, ce qui implique toute la partie flash-back, construite uniquement sur le point de vue que Julie & Julia sont les mêmes à 50 d’écart. C’est comme si la jeune garde faisait du pied à l’ancienne, lui disant hé hé t’as vu je suis comme toi ! N’est-ce pas ? Hein, hein ? Comme si les modernes ne pouvaient exister qu’au travers du regard des anciens, se contentant de revivre (d’une façon dégradée, car dépourvue de nouveauté)leurs expériences, sans pouvoir innover. Cette idée qu’après le 11 septembre, les américains se réfugient dans les valeurs du passé, alors même que ceux qui les ont incarnées ne le veulent pas, est très intéressante, et donne un autre sens au film, plus triste, plus névrosé. Un film sur le désir de reconnaissance et la frustration qu’il crée. Et au final, la morale nous dit que l’important est de s’affirmer soi-même, de suivre son chemin quoi qu’il en coûte, et quoi qu’en pensent les autres, surtout les vieilles peaux. Pas si mal après tout. P.S. : Une autre chose intéressante du film est la façon dont il traite l’activité de bloguer, qui est vraiment bien rendue, ce me semble.
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