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Mes fantômes
Ce fantôme là, celui qui vit chez moi, il fait des siestes de quatre jours. Il étend son linge partout sur la terrasse, de grands draps blancs avec des chaînes, ça prend beaucoup d’espace. Il regarde des films dans sa chambre en faisant des ronds de fumée transparents. Quand il est de bonne humeur, il discute avec moi le soir sur la terrasse de son activité de la journée ou bien il fait cuire des pattes dans la casserole en fer blanc. Il conduit une petite voiture qui reste dans le parking du soir au matin. Personne ne se gare à sa place, bien qu’on ne puisse pas la voir (la voiture, pas la place, bande de...). Le fantôme se cache derrière les portes puis fait des sauts de chat dans l’appartement en riant. Il est poursuivi par une cohorte de papillons et de cafards âgés. Je lui ai plusieurs fois expliqué qu’il fallait qu’il fasse sa vaisselle, il prétend qu’il ne peut pas saisir l’éponge. Je lui demande de cesser de déplacer les meubles, il s’amuse de la peur engendrée chez les voisins. Rien n’y fait. Quand il a bu tout mon café du matin sans porter le bol à la bouche, par la simple opération de l’esprit, de guerre lasse, je pars au travail. Derrière les vitres qui reflètent le ciel et la mer, un autre fantôme me fait un signe de reconnaissance et m’apporte un café frais. Un petit fantôme discret et intelligent qui vient avec le sucre. Je ne suis pas seule à le voir. Souvent, il se met en tête de monter une expo dans le hall du travail du Grand Chef. C’est toujours une scène comique et appréciée car le petit fantôme passe à travers les panneaux de l’exposition et ressort de l’autre côté des affiches. Il ne comprend pas ce qui se passe et se met à pleurer. Alors le Grand Chef accepte de mettre sa clé dans le moteur et de l’emmener à un concert. Les concerts sont un bal des vampires. Chaque silhouette est un simulacre. Le musicien capable de m’expliquer l’historique de ce thème de jazz ne peut pas me soulever de terre pour m’embrasser. Le présentateur parle si fort dans son micro que personne ne l’entend. Les enfants qui s’écorchent les genoux dans les petits cailloux blancs sont des ombres portées. Je cherche dans les yeux des vrais humains. Les iris sont gorgés d’une litanie de fantômes. Les étoiles scintillent pour me faire croire que je rêve. Je suis seule et j’entends des voix.
[1] Rocking chair
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Bagne
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