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Chronique par Benjamin S.

Ken Park
Un film de Larry Clark et Ed Lachman
Par Benjamin S., Jeuniste du prix et de la mornographie , le vendredi 18 mars 2005.

Larry Clark et Ed Lachman scrutent les problèmes de relation adolescents-parents sous la forme d’un porno chic pas inintéressant mais pas fondamental non plus. Une déception.

De quoi ça parle ?

Ken Park est un skater, un vrai, qui va au skate-park, pour s’y tirer une balle. Comme il peut plus être le héros du film, les deux réalisateurs vont s’intéresser à la vie des adolescents qui le connaissaient. Quand on a dit que Larry Clark est le réalisateur de Kids et Another Day In Paradise, et que Ed Lachman était son directeur photo habituel, et que c’est Harmony Korine (Gummo et ses bouseux fans de Krokus) qui signe le scénario, comme à l’époque de Kids, ben on peut supposer que ça va parler de skate, de cul, mais pas les deux en même temps, et que ça va pas être propre.

Quels sont les enjeux ?

Pour situer Larry Clark, on peut dire que ça fait plus de trente ans qu’il photographie des adolescents, plus ou moins pauvres, prendre de la drogue et baiser ensemble. C’est donc un grand photographe. Dans les années 90, Larry découvre le monde merveilleux du skate par son fils, et rencontre Harmony Korine. Le résultat, c’est Kids, un film cru et dérangeant qui dévoile un côté caché de l’Amérique : à 15 ans, on peut être violent, macho et attraper le sida, c’est à dire tout ce qu’on voyait pas dans Melrose Place (pourtant c’est bien Melrose Place).

Kids était un film dont un des intérêts majeurs était de dresser un tableau des relations entre garçons et filles. Un beau projet, et une découverte en la personne de Chloë Sevigny.
Ken Park continue dans cette logique en présentant un tableau des rapports parents-enfants.

Malheureusement (ou heureusement ?), il semble que Larry Clark a un peu oublié son projet en cours de route, pour un autre projet, ma foi lui aussi fort ambitieux, faire un porno, réaliste, beau, et un peu pédophile quand même sur les bords.

Les rapports parents-enfants donc. Ca ferait un bon intitulé de sujet pour Delarue, encore qu’ici, on va voir qu’on est plutôt chez Evelyne Thomas (Super Dupont est fier de toi, continue Evelyne). Le film traite assez peu de problèmes, comme comment éduquer ses enfants, quelle image on leur donne de soi, ce genre de trucs un peu chiants qu’on pourrait trouver dans un film psychologique français (ou portugais). Larry Clark va direct là où il faut, en dessous de la ceinture.

Il y a donc le père musclé et accro à la bière, qui déteste son fils, mais quand sa femme est enceinte, et qu’on est trop bourré pour se faire une pute, on fait pas le difficile. Il y a le père mexicain ultra-catholique, qui après avoir surpris sa fille adorée en petite séance bondage avec le petit voisin, décide de redonner un peu de pureté à sa fille, en mimant son mariage avec elle (on imagine la nuit de noce). Il y a cet ado qui baise sa petite-amie et la mère de sa petite-amie. Et il y a ce psychopathe élevé p ar ses grands parents, qui les tuera pour les meilleures raisons qui soit (le grand-père triche au scrabble).

Bref les rapports sont pour le moins physique. En même temps, les parents sont pas moins paumés que leurs enfants : bourrés, séniles, nostalgiques de leurs adolescences. Le seul couple heureux, c’est le couple de vieux, et il se fait massacrer. Les autres se font chier, baisent ou regardent Jerry Springer à la télé. Les enfants sont pas mieux : ils skatent, ils fument des joints, ils sèchent les cours, ils baisent, et dans l’ensemble, ils se font violemment chier.

C’est donc un film de gens paumés et qui s’emmerdent. Et en plus ils sont seuls. Les différentes histoires ont très peu d’interaction entre elles, et à la fin on a un peu oublié, qu’au départ il y a un dénommé Ken Park, qui s’est suicidé. On y revient très lourdement sur le tard, par une devinette pourrie, et un épilogue qui donne un peu de perspective au film : sa petite amie était enceinte, et se sentait pas le droit de refuser la vie à son enfant. On peut supposer qu’arrivé à ce niveau de déchéance, le brave Ken n’avait pas très envie de devenir vieux et d’infliger ça à quelqu’un d’autre.

On vient donc de voir que Ken Park, est un film de gens qui se font chier, et qui n’ont pas de contacts. Mais c’est pas tout à fait vrai. Il y a du contact, beaucoup, et il est physique, très. C’est d’ailleurs les seuls moments de bonheur, le seul but qui reste. Il y a ceux qui baisent, ceux qui ne baisent pas, ceux qui ne baisent plus.
Tout est une affaire d’âge et de conservation : quand ta femme est morte, reporte-toi sur ta fille, quand ta femme est dans un état trop lamentable (la meilleure phrase du film : je suis tellement excité que je baiserais même ma femme, si elle était pas dans un état pareil), reporte-toi sur les putes, quand ton mari deviens vieux, couche avec le petit-ami de ta fille. C’est une question d’adaptation et ceux qui sont seuls le paient : l’onaniste termine en prison, le père qui veut sucer son fils (un moment très gore) se fait savater (il dit : personne ne m’aime).

Au contraire les scènes de sexe sont très chaudes, pas au sens excitantes, mais au sens c otonneuses. Les couleurs sont douces et on n’hésite pas à rester là où c’est bien, notamment dans une très belle scène de cunnilingus.

Il est à noter que le film est hardcore, pénétrations non simulées, ce qui pose quand même le débat du film porno au cinéma. Bizarrement autant on en a parlé pour Baise-moi, autant là pas du tout. Peut-être que tout le monde s’en fout. Mais il est quand même intéressant de constater que quand un porno est bien fait, il sort au ciné, et cesse d’être un porno. Après on dit qu’il n’y a pas de bon nopor, mais tout ça c’est une question de définition. Bref le film s’achève sur un très beau trio, très simple et ancré dans le quotidien. On prend son café, on retourne baiser, on discute, on s’arrête, on reprend. Bref, on est décontracté du gland. Et c’est beau.

Et alors c’est bien ?

Ben non, c’est vraiment chiant. Le film a pas d’histoire, accumule les personnages sans rapports. On peut justifier que c’est parce que ça reflète la solitude des personnages, mais j’en suis même pas sûr. Les personnages ont tous des handicaps assez lourds, et même si je veux bien admettre que la proportion de freaks est plus élevée dans les banlieues résidentielles américaines qu’ailleurs, il aurait pas été inintéressant de mettre les personnages en rapport, de donner une définition de la normalité, et d’être un peu plus sobre. On peut parler des relations père-filles sans tomber dans l’inceste. Je suis désolé si j’ai l’air réac, mais j’avais trouvé les films précédents plus fins.

Larry Clark ne se démarque pas beaucoup de ses anciens films, l’effet de surprise ne joue plus. Et s’il ose faire un film sale, il n’ose pas le faire salement (comme aurait dit Eustache), tout est beau, tout est presque propre. Au moins le Gummo d’Harmony Korine ne faisait aucune concession, l’image était dégueu, les persos complètements régressifs. Ken Park est donc au final juste un porno chic, c’est à dire mieux qu’un porno Canal +, mais pas très intéressant pour autant.

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