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Chronique par Benjamin S. La ligue des gentlemen extraordinaires
Alan Quarterman s’ennuie en Afrique et attend la mort. Mais le gouvernement britannique le réclame et l’ennemi tue ses amis. Il retourne donc en Angleterre, et rejoint une équipe de super-héros tirés de la littérature britannique : l’homme invisible, le Dr Jekyll, Mina Harker (la femme de Jonathan, le héros de Dracula) , le capitaine Némo, Dorian Grey (celui qui ne peut pas se voir en peinture), et Tom Sawyer (c’est l’Amérique). Ensemble ils vont lutter contre le fantôme (sorti de l’opéra), et tenter d’empêcher la guerre mondiale. Nous sommes en 1899 , le vingtième siècle est sur le point de commencer. Quels sont les enjeux du film ?La ligue des Gentlemen extraordinaires est un film qui s’est tourné dans la douleur (tourné à Prague pendant les inondations, le décor a pas mal souffert, Stephen Norrington, le réalisateur du premier Blade s’est fait virer par Sean Connery), mais qui se regarde sans peine. C’est une adaptation d’une BD d’Alan Moore, l’homme qui écrit à peu près les meilleures BD du monde (From Hell, V comme Vendetta, the Watchmen), et comme From Hell, c’est assez clairement un reformatage sinon une trahison. Mais il reste encore quelques éléments typiquement Mooriens : la fin du XIXème siècle comme porteuse de tous les maux du XXème, et les héros fatigués et dépassés, et le réconfort dans l’union. From Hell avait pour slogan que le XXème siècle s’était écrit dans le sang des prostituées de Whitechapell, et notamment tout ce qui est troisième Reich (Adolf Hitler conçu le jour du premier meurtre de Jack l’éventreur, c’est assez clair comme symbole). La ligue des gentlemen extraordinaires ne raconte pas une histoire fondamentalement différente : l’enjeu scénaristique est d’empêcher la première guerre mondiale (considérée comme quelque chose de monstrueux et impossible), on y voit des tanks (c’est un gros film de steampunk, capitaine Nemo oblige), on y voit la fatigue de l’empire britannique (Alan Qaurterman pas très concerné par la patrie), on y voit des nations unies pour le moins fantomatique (le passage à Venise, très beau moment de bravoure inutile), bref on a les germes de la première guerre mondiale, de la seconde, de la décolonisation et de la dernière guerre du golfe. A la fin, les héros gagnent, mais on sent bien qu’on arrête pas l’histoire d’une balle dans le dos. Deuxième thème, la grande fatigue des héros. La ligue des gentlemen extraordinaires est en partie un film sur l’âge : on a un vieux qui attend la mort (Alan Quarterman), un jeunot (Tom Sawyer, celui qui est né sur les rives du Mississipi), et deux immortels qui le prennent plus ou moins bien (plus pour Dorian Grey, moins pour Mina Harker). La ligue rassemble des exclus de la société, des exilés, des criminels, des gens en fuite, en tout cas pas des héros. Des gens, qui de plus, ne comprennent pas grand chose à l’ère qui commence, ces nouveaux exploits prenant part à peu près trente ans après leur grande période. Le film est une grande course contre l’ennemi, où ils arrivent régulièrement trop tard, notamment dans le passage à Venise très symbolique : premièrement sur un plan global, parce que cela montre comment l’équilibre mondial tient à peu de choses, puisqu’il suffit d’une ou deux bombes pour tout compromettre. Deuxièmement parce que les héros arrivent trop tard, rattrapent leur retard grâce à leurs talents conjugués, tout ça pour se rendre compte qu’il s’agissait en fait d’un leurre. Manipulés, lessivés, les héros ne sauvent la face qu’à la fin, quand les méchants s’arrêtent enfin de bouger. D’une certaine façon, leur victoire est une réaction d’orgueil, une tentative de montrer qu’ils sont irremplaçables, en détruisant leurs clones. Mais à l’heure de la reproduction mécanique, détruire les copies, c’est se détruire soi-même, se condamner au passé. Enfin dernier thème Moorien, le réconfort dans le groupe. Là-dessus le film reprend une structure étonnement proche des Watchmen : les héros sont fatigués, trouvent une dernière force pour accomplir un dernier exploit dans un paysage désertique mais néanmoins froid, exploit ignoré de la foule mais ciment de leur communauté retrouvée.
Et alors, c’est bien ? Ben oui, c’est plutôt bien. Le film a des lacunes évidentes : trop d’images de synthèses voyantes, en contraste avec le cadre dix-neuvième, trop de parasites blockbuster : le tapage de main type fort-boyard avant la dernière scène d’action, le finalisme des scènes en creux, c’est à dire l’idée qu’un geste commis en dehors de l’action doit resservir dans l’action, par exemple dans le cas du tir au fusil entre Quarterman et Sawyer, et aussi un peu trop de steampunk, qui fait un peu plus Wild Wild West que Jules Vernes, plus le Capitaine Némo en roi du kung-fu et le Dr Hyde qui fait très plastique. Mais le film a aussi des qualités indéniables : premièrement, le film joue à fond sur le côté old school : pas d’effet à la Matrix, même pas de ralentis, possède des personnages fouillés et charismatiques, surtout Mina Harker et Dorian Grey, et des thèmes pas inintéressants comme on a vu plus haut. Un film qui plaira sûrement à ceux qui ont aimés les films des X-Men, autre série de super-héros ludique et intelligente, et une franchise qu’on espère bien voir développée dans l’avenir (par contre si on peut éviter un Underworld 2, on s’en sortirait pas mal). Benjamin S., qui espère Arsène Lupin dans le 2 : la ligue des gentlemen extraordinaires contre Fantomas. |
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