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A l’hôtel Olofson
Un peu de décor local que diable !
Par Le Grand Chef , le jeudi 14 février 2008.

A Port-au-Prince, il y a les tas de fatras, les égoûts à ciel ouvert, les enchevêtrements de fils électriques, les trous dans les routes, les gens qui tendent la main parce qu’ils ont grangou [1]. La fumée des pots d’échappement, les voitures qui râpent la route, les chiens et les cochons, et il y a l’hôtel Olofson.

Au bout de l’avenue Christophe (dans laquelle votre Grand Chef se rend quotidiennement pour contempler la machine à pop corn), derrière une large grille qui ne s’ouvre jamais entièrement car un pan suffit pour passer un 4x4, une voie sinueuse. Une canopée à faire pâlir d’envie l’Amazonie peuplée de statuettes vaudous entre des fontaines qui ont la décence de ne pas fonctionner. A droite une piscine qui flotte dans l’indolence sans jamais personne qui s’y baigne (elle est à l’ombre). Sauf le Grand Chef, pas plus tard qu’hier. Pour atteindre la galerie de bois blanc de l’immense maison gingerbread, il faut emprunter l’escalier à double volute carrée gardé par un petit bonhomme de bois chapeau sur la tête et cigare dans la bouche (Baron samedi peut-être).

(JPEG)

Si on arrive l’après-midi, on est quasiment seul. Il faut alors choisir entre l’une des 6 tables sous la grande galerie. L’idéal est bien sûr de se poster le plus loin possible de l’inévitable groupe de consultants blancs en mission de 15 jours qui profitent du wifi. J’ai un faible pour l’extrémité à droite, d’où on domine et la piscine et les suites indépendantes. Puisqu’on attend au bas mot ½ heure pour se voir apporter la carte on entre dans l’hôtel. Au rez-de-chaussée la grande salle de concert, dont le mur est adossé à la roche comme une grotte mystique.

Car si on arrive le jeudi soir, on ne peut pas choisir sa table, on ne peut pas s’asseoir d’ailleurs. Enfin, quand on arrive à 23h comme le veut l’horaire local. Car tous les jeudis soir il y a RAM qui joue. Et des rendez-vous musicaux de la sorte, il y en a bien peu dans la capitale haïtienne. 200 personnes se bousculent et dansent au son du groupe fameux. On a dit à Votre Grand Chef que parfois certaines tombent en transe, jamais vu. Comme le bar est inaccessible, le Grand Chef va généralement se procurer ses consommations à la barrière de l’entrée, auprès d’une bienveillante marchande. Au-delà d’un certain moment, on perd naturellement la notion du temps et c’est au moment de partir qu’on doit retrouver ses esprits. Car il faut extraire la voiture des dizaines d’autres qui se sont entassées sur un parking qui n’en est pas un puisque c’est une allée. Il nous est arrivé d’emporter une aile (il faut dire que le propriétaire de l’aile manoeuvrait avec un bras dans le plâtre, à notre décharge).

Quand on vient dans l’après-midi, la difficulté n’est pas de sortir du parking, c’est de se faire servir. Les indolentes serveuses une fois amenée la carte reviennent une demi heure après prendre la commande (voilà donc une heure que le Grand Chef est assis). Au bout d’une nouvelle demi heure, elles reviennent en traînant dire qu’il n’y a plus de lambis en sauce, ni de salade au crabe (le Grand Chef commence à avoir les jambes qui lui démangent). Un lézard passe sur la rambarde en se grattant la cuisse droite. Il faut tout relire la carte qui par chance est fort courte. Si on se courrouce, elles redoublent de lenteur. Puis au bout d’une nouvelle demi heure on peut enfin manger, mais l’appétit du Grand Chef est parti.

Un jour le Grand Chef a fait une réunion pour expliquer ses grandes vues dans une chambre de l’hôtel Olofson. Une chambre sous la galerie du premier étage, sans fenêtre aucune, les branches entrant dans les oreilles des convoqués à la réunion, en particulier l’ambassadeur du Brésil qui a de grandes oreilles, les oiseaux sifflotant au dessus du petit salon. Tentant de se poser sur les plateaux de petits pâtés mais aussitôt chassés par le personnel en alerte. Comme c’est une chambre, et non une salle de réunion contrairement à ce que croit le PNUD, il y a un lit. Lit si Grand qu’on peut y mettre six Grands Chefs à dormir, bien qu’il n’en existe qu’un, et ils y dorment bien.

Le Grand Chef va souvent à l’hôtel Olofson parce qu’il est le luxe somptuaire et les vieilles choses. Et aussi parce que le rhum sawa est excellent.


Notes :

[1] Grangou = avoir faim, on peut considérer que 90% de la population a perpétuellement grangou et ne perçoit donc pas cette expression idiomatique avec le même air attendri que votre Grand Chef

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